mardi 21 janvier 2014

Comment débattre pour vivre ensemble ?


  
    Il est un temps où l'actualité élève nos discussions quotidiennes au rang de débat sociétal. Apparaissent alors de profondes divergences d'opinions, quelquefois même avec ceux qui nous sont les plus proches.
      On l'a récemment vu avec un thème tel que la laïcité. A ce sujet et bien que la loi ait tranché, le débat est loin d'être éteint. Il oppose une France interprétant cette notion comme l'absence de religion dans la sphère publique, à une France la considérant comme une liberté de culte dans laquelle l’État n'intervient plus.
     Ce constat conduit à nous interroger sur nos pratiques du débat sociétal afin de savoir comment vivre ensemble malgré la diversité de nos opinions.
      Faut-il se reposer sur la représentation et laisser quelques-uns décider pour nous de ce qui est juste ? Faut-il faire taire les discours jugés trop subversifs ? Faut-il froidement fustiger celles et ceux tenant des propos différents des nôtres ? Faut-il ne prendre en compte que l'avis de la majorité ou construire un consensus avec l'opposition ?
        Suivent, sans prétention de répondre définitivement à ces questionnements, quelques pistes de réflexion les concernant.



1  Du manichéisme au pluralisme.

           
    Reconnaissons-le, nous sommes influencés par un simplisme ambiant. D'aucuns instrumentalisent les peurs en appuyant leurs propos sur des exemples qu'ils tentent de faire percevoir comme des généralités majoritaires alors qu'il ne s'agit en réalité que de comportements isolés ou minoritaires. D'autres oublient, ou refusent de voir, la complexité des sujets qu'ils traitent. Ces derniers, notamment en raison de la pratique d'un certain journalisme, se limitent et s'enferment dans le politiquement correct en nous proposant des analyses, sinon erronées, assurément pas tout à fait exactes.
     Aussi devrions-nous opter pour le pluralisme. Entraînons nos esprits à s'éloigner des positions binaires que l'on nous présente que trop souvent en cherchant à nous diviser en un camp des « anti » et un camp des « pro ». De quel droit nous impose-t-on d'avoir à choisir entre deux camps prédéfinis ? Au reste, ne pouvons-nous pas  faire un choix différent de ceux-ci ?
     Outre ceci, se limiter aux approches manichéennes et au politiquement correct c'est entamer la genèse de notre aliénation. En effet, cela conduit à cesser de penser par nous-mêmes mais uniquement par les autres.
   Rappelons-nous, en somme, que personne n'est objectif. Par conséquent, diversifions nos sources d'informations pour tendre à nous éloigner des lieux communs et ce en recherchant l'analyse de justesse et de précision.

2  De l'émotivité à la pondération.

    Prenons conscience de l'émotivité de certaines de nos réactions. Nous portons quelquefois à l'égard des autres un jugement, concédons-le, un peu hâtif.
   Les réseaux sociaux illustrent parfaitement ceci. Ainsi y observe-t-on quotidiennement des échanges passionnés et sans aucune mesure qui donnent lieu à tous les excès. Parfois même nous nous risquons, sans intérêt aucun pour la problématique du débat, à y intervenir simplement en vue d'entretenir une posture d'opposition provocatrice, voir insultante, à l'encontre de celles et ceux que nous identifions comme nos ennemis.
    Premièrement, ce n'est pas respectueux de la dignité humaine. Ensuite, cela ne conduit généralement qu'à nourrir la doxa et ne fait, in fine, en rien avancer le dialogue.
 Aussi, efforçons-nous à la pondération, nuançons nos propos, prenons le temps d'étudier convenablement toutes les facettes de la problématique et nous engagerons alors une dynamique vertueuse élevant nos débats.


3 Du dogmatisme à la tolérance.

          
    Le dogmatisme peut malheureusement vite devenir le revers de nos convictions et nous faire systématiquement récuser le doute et la critique. Toutefois nous pouvons avoir tort face à n'importe qui, n'ayons pas la vanité de prétendre l'inverse.
     Le fait que quelqu'un nous contredise ne signifie pas toujours qu'il cherche à démontrer la supériorité de son discours par rapport au nôtre, mais bien souvent qu'il tente simplement de faire entendre la différence du sien.

    En conséquence, soyons tolérants envers la critique. Peut-être avons-nous plus de points de convergences que de divergences. Ladite tolérance n'est ni un double discours ni une hypocrisie. Elle ne signifie aucunement que nous renions nos propres convictions. Il s'agit en somme de comprendre ce qui nous différencie de notre prochain et ainsi d'écouter chez autrui une analyse, fusse-t-elle critique, différente de la nôtre.
   Par ailleurs, n'oublions pas que, si profondes soient nos convictions, notre perception des choses et notamment de ce qui est juste, est néanmoins sujet à évolution et demeure, du reste, très subjective.
           

4  De la diabolisation au respect du prochain.

   Inquiétons-nous de la pratique de la diabolisation en voie d'être banalisée. La diabolisation est, sinon irrespectueuse, au moins peu pertinente.
    En effet, ce mécanisme de la rhétorique est irrespectueux en ce sens qu'en y recourant nous ne répondons pas au cœur de l'argumentaire. Et pour cause, nous esquivons le débat, soit en jetant la suspicion sur notre interlocuteur pour le rendre illégitime, soit en connotant très négativement son discours afin de discréditer ce dernier.
     Or, ne pas répondre aux arguments portés au débat est irrespectueux à l'endroit de notre interlocuteur et de ceux adhérant à son propos. Cela met par ailleurs, de facto, fin à tout espoir de progression dans la discussion.
     La diabolisation est par conséquent, vulgaire et contraire au principe de la dignité humaine. Ne nous y égarons pas, elle n'est ni pertinente ni élégante. En outre, il sera toujours plus convaincant de contredire le fond de l'argumentaire que de mettre en doute des éléments quant à sa forme.




Allons, un peu d'optimisme !

     Cherchons enfin ce qui nous rassemble au lieu de rester apeurés par ce qui nous différencie. Il est possible de vivre ensemble : par le débat critique constructif et respectueux, par la recherche fraternelle d'un consensus sociétal et par le partage et la coexistence des cultures.

Antoine Viudes.

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