Il
est un temps où l'actualité élève nos discussions quotidiennes au rang de débat
sociétal. Apparaissent alors de profondes divergences d'opinions, quelquefois
même avec ceux qui nous sont les plus proches.
On l'a récemment vu avec un thème
tel que la laïcité. A ce sujet et bien que la loi ait tranché, le débat est loin d'être
éteint. Il oppose une France interprétant cette notion comme l'absence de
religion dans la sphère publique, à une France la considérant comme une liberté
de culte dans laquelle l’État n'intervient plus.
Ce constat conduit à nous interroger
sur nos pratiques du débat sociétal afin de savoir comment vivre ensemble malgré
la diversité de nos opinions.
Faut-il se reposer sur la
représentation et laisser quelques-uns décider pour nous de ce qui est
juste ? Faut-il faire taire les discours jugés trop subversifs ?
Faut-il froidement fustiger celles et ceux tenant des propos différents des
nôtres ? Faut-il ne prendre en compte que l'avis de la majorité ou construire
un consensus avec l'opposition ?
Suivent, sans prétention de répondre
définitivement à ces questionnements, quelques pistes de réflexion les
concernant.
1 Du manichéisme au pluralisme.
Aussi devrions-nous opter pour le
pluralisme. Entraînons nos esprits à s'éloigner des positions binaires que l'on
nous présente que trop souvent en cherchant à nous diviser en un camp des
« anti » et un camp des « pro ». De quel droit nous
impose-t-on d'avoir à choisir entre deux camps prédéfinis ? Au reste, ne
pouvons-nous pas faire un choix
différent de ceux-ci ?
Outre ceci, se limiter aux approches
manichéennes et au politiquement correct c'est entamer la genèse de notre
aliénation. En effet, cela conduit à cesser de penser par nous-mêmes mais
uniquement par les autres.
Rappelons-nous, en somme, que
personne n'est objectif. Par conséquent, diversifions nos sources
d'informations pour tendre à nous éloigner des lieux communs et ce en
recherchant l'analyse de justesse et de précision.
2 De l'émotivité à la pondération.
Prenons conscience de l'émotivité de
certaines de nos réactions. Nous portons quelquefois à l'égard des autres un
jugement, concédons-le, un peu hâtif.
Les réseaux sociaux illustrent
parfaitement ceci. Ainsi y observe-t-on quotidiennement des échanges passionnés
et sans aucune mesure qui donnent lieu à tous les excès. Parfois même nous nous
risquons, sans intérêt aucun pour la problématique du débat, à y intervenir
simplement en vue d'entretenir une posture d'opposition provocatrice, voir
insultante, à l'encontre de celles et ceux que nous identifions comme nos ennemis.
Premièrement, ce n'est pas
respectueux de la dignité humaine. Ensuite, cela ne conduit généralement qu'à
nourrir la doxa et ne fait, in fine, en rien avancer le dialogue.
Aussi, efforçons-nous à la
pondération, nuançons nos propos, prenons le temps d'étudier convenablement
toutes les facettes de la problématique et nous engagerons alors une dynamique
vertueuse élevant nos débats.
3 Du dogmatisme à la tolérance.
Le fait que quelqu'un nous contredise ne signifie pas toujours qu'il cherche à démontrer la supériorité de son discours par rapport au nôtre, mais bien souvent qu'il tente simplement de faire entendre la différence du sien.
En conséquence, soyons tolérants envers la critique. Peut-être avons-nous plus de points de convergences que de divergences. Ladite tolérance n'est ni un double discours ni une hypocrisie. Elle ne signifie aucunement que nous renions nos propres convictions. Il s'agit en somme de comprendre ce qui nous différencie de notre prochain et ainsi d'écouter chez autrui une analyse, fusse-t-elle critique, différente de la nôtre.
Par
ailleurs, n'oublions pas que, si profondes soient nos convictions, notre
perception des choses et notamment de ce qui est juste, est néanmoins sujet à
évolution et demeure, du reste, très subjective.
4 De la diabolisation au respect du prochain.
Inquiétons-nous de la pratique de la
diabolisation en voie d'être banalisée. La diabolisation est, sinon
irrespectueuse, au moins peu pertinente.
En effet, ce mécanisme de la rhétorique
est irrespectueux en ce sens qu'en y recourant nous ne répondons pas au cœur de
l'argumentaire. Et pour cause, nous esquivons le débat, soit en
jetant la suspicion sur notre interlocuteur pour le rendre illégitime, soit en
connotant très négativement son discours afin de discréditer ce dernier.
Or, ne pas répondre aux arguments
portés au débat est irrespectueux à l'endroit de notre interlocuteur et de ceux
adhérant à son propos. Cela met par ailleurs, de facto, fin à tout espoir de progression
dans la discussion.
La diabolisation est par conséquent, vulgaire et contraire au principe de la dignité humaine. Ne nous y égarons pas, elle n'est ni pertinente ni élégante. En outre, il sera toujours plus convaincant de contredire le fond de l'argumentaire que de mettre en doute des éléments quant à sa forme.
Allons, un peu
d'optimisme !
Cherchons
enfin ce qui nous rassemble au lieu de rester apeurés par ce qui nous
différencie. Il est possible de vivre ensemble : par le débat critique constructif
et respectueux, par la recherche fraternelle d'un consensus sociétal et par le
partage et la coexistence des cultures.
Antoine Viudes.
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