mardi 7 janvier 2014

Le conflit Israëlo-palestinien en trois BD.



La bande dessinée peut-elle se saisir et traiter de sujets aussi sombres et complexes que le conflit israélo-palestinien?
La multiplication des publications autour de ce thème ces dernières années ne laisse pas place au doute : le 8ème art peut traiter de tout et  SURTOUT de la guerre.
Il donne à voir et à lire, permettant à l’auteur de multiplier les nuances et offrir une approche ouverte d’un thème souvent pris au piège de sa propre complexité. On se délecte de l’humour propre au genre tout en prenant conscience de la gravité du sujet. Trois ouvrages ont retenus mon attention. S’ils traitent du même sujet, leur singularité permet d’aborder le conflit israélo-palestinien de manière différente à chaque fois. : parfois avec humour, tendresse parfois avec révolte et toujours avec la même envie d’éveiller la curiosité de son lecteur et de l’informer sur une situation dont l’ignorance se veut justifiée par la complexité


Les amandes vertes, lettres de Palestine d’Anaële et Delphine Hermans.



Les amandes vertes, Lettres de Palestine a été réalisé et écrit par Delphine et Anaële Hermans, deux soeurs qui se sont partagés le travail entre écriture et illustration.
C’est une bande dessinée qui met en récit et images les lettres qu'Anaële et Delphine se sont envoyées pendant le séjour d'Anaële en mission en Palestine pour 10 mois.
Originaire de Belgique, vous vous doutez que le dépaysement est total quand Anaële arrive et découvre un pays déchiré de parts et d'autres. Rapidement une situation politique se dessine pour Anaële comme pour le lecteur qui découvre la réalité d'une colonisation moderne sans jamais être confronté à une vision manichéenne. Il n'y a pas de méchants israéliens ou de bons palestiniens, juste Anaële qui d'un territoire à l'autre, à travers des rapports humains, comprend la complexité de la situation.
Si la souffrance du peuple Palestinien  nous émeut à travers le personnage de Madji, l’ouvrage ne tombe jamais dans le militantisme et raconte une histoire d'amour sous  fond de découverte de deux peuples et deux cultures. La gravité de la situation est équilibrée par la légèreté du genre (la BD)  et également par le prisme de l'intime grâce à la lettre. C'est une BD pleine d'humour et de fraicheur dans laquelle se dessinent sur une terre de conflit et de déchirure, les rapports les plus humains qui puissent exister.


  

Comment comprendre Israël en 60 jours (ou moins) de Sarah Glidden




Le titre se veut doucement ironique.  Non, Comment comprendre Israël en 60 jours (ou moins) n’est pas le nouveau « Israël pour les nuls » mais le récit imagé d’une jeune fille un peu rebelle pleine de certitudes très vite ébranlées par la réalité d’une situation qu’elle découvre et donne à voir à son lecteur.

Sarah, une jeune américaine d’origine juive, entreprend un voyage organisé dans le cadre du « Taglit », programme permettant aux jeunes juifs du monde entier de se rendre en Israël. Pour elle, en conflit avec sa judéité, c’est avant tout l’occasion de mettre en lumière les véritables motivations des organisateurs. Elle cherche les détails qui trahiraient la propagande déguisée de ce programme et de ses acteurs.
Cependant le voyage prend peu à peu l’allure d’une remise en question fondamentale, personnelle et universelle ; un voyage initiatique en somme ponctué de rencontres qui une à une détruisent ses certitudes sur sa religion, sa citoyenneté et sur la réalité du conflit israelo-palestinien mais aussi sur son couple et son implication dans le monde dans lequel elle vit.
Que faire des discours diffusés  dans les médias occidentaux quand le contact devient humain ?  Sarah traverse le pays de la mer morte, aux kibboutz, en passant par les hauts lieux touristiques en posant un constant regard sceptique. C’est encore une fois un ouvrage qui contourne la vision manichéenne d’un conflit ultra-médiatisé et qui plus que des réponses ouvre le champ des interrogations, des bonnes interrogations. 

Chroniques de Jérusalem de Guy Delisle.



Vous n'êtes certainement pas passé à côté de cette BD de Guy Delisle récompensée d'un Fauve d'Or à Angoulême en 2012. Il s'agit certainement de l'ouvrage le plus complet et le plus "historique" des trois. Si l'auteur n'a pas pour but de jouer les professeurs de géopolitique il n'en est pas moins très précis dans ses descriptions puisque le protagoniste est lui même auteur.  Il note, dessine et commente ce qu'il voit tout au long de son année passée en Israël.
Cartes, rappels historiques, explications bibliques... tout y est pour comprendre ce qui se joue dans le conflit israélo-palestinien.
Ce qui est remarquable d'autre part ( et surtout ) dans cet ouvrage c'est la candeur du personnage, parfois comique, parfois touchant, qui pose un regard étonné et interrogateur sur tout ce qu'il découvre.
Il rompt les clichés, dévoile l'absurdité de certains aspects du conflit mais dessine aussi les contours d'une société riche et diversifiée dont les membres apprennent à vivre ensemble.






Ces trois BD ont pour dénominateur commun la nuance. Il n'y a pas de parti pris radical mais une déconstruction progressive des clichés à travers le regard parfois candide parfois désabusé de personnages mis face à une réalité complexe. Les auteurs ont choisi d'interroger plutôt que d'apporter des réponses et c'est peut-être par là qu'il faut commencer pour comprendre ce qu'il se joue en Israël-Palestine.

Bonne lecture !

Pauline B.  


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