La
bande dessinée peut-elle se saisir et traiter de sujets aussi sombres et
complexes que le conflit israélo-palestinien?
La
multiplication des publications autour de ce thème ces dernières années ne
laisse pas place au doute : le 8ème art peut traiter de tout
et SURTOUT de la guerre.
Il
donne à voir et à lire, permettant à l’auteur de multiplier les nuances et
offrir une approche ouverte d’un thème souvent pris au piège de sa propre
complexité. On se délecte de l’humour propre au genre tout en prenant
conscience de la gravité du sujet. Trois ouvrages ont retenus mon attention. S’ils
traitent du même sujet, leur singularité permet d’aborder le conflit
israélo-palestinien de manière différente à chaque fois. : parfois avec
humour, tendresse parfois avec révolte et toujours avec la même envie
d’éveiller la curiosité de son lecteur et de l’informer sur une situation dont
l’ignorance se veut justifiée par la complexité
Les
amandes vertes, lettres de Palestine d’Anaële et Delphine Hermans.
Les
amandes vertes, Lettres de Palestine a été réalisé et écrit
par Delphine et Anaële Hermans, deux soeurs qui se sont partagés le
travail entre écriture et illustration.
C’est une
bande dessinée qui met en récit et images les lettres qu'Anaële et Delphine se
sont envoyées pendant le séjour d'Anaële en mission en Palestine pour 10 mois.
Originaire
de Belgique, vous vous doutez que le dépaysement est total quand Anaële arrive
et découvre un pays déchiré de parts et d'autres. Rapidement une situation
politique se dessine pour Anaële comme pour le lecteur qui découvre la réalité
d'une colonisation moderne sans jamais être confronté à une vision manichéenne.
Il n'y a pas de méchants israéliens ou de bons palestiniens, juste Anaële qui
d'un territoire à l'autre, à travers des rapports humains, comprend la
complexité de la situation.
Si la souffrance
du peuple Palestinien nous émeut à
travers le personnage de Madji, l’ouvrage ne tombe jamais dans le militantisme
et raconte une histoire d'amour sous
fond de découverte de deux peuples et deux cultures. La gravité de la
situation est équilibrée par la légèreté du genre (la BD) et également
par le prisme de l'intime grâce à la lettre. C'est une BD pleine d'humour et de
fraicheur dans laquelle se dessinent sur une terre de conflit et
de déchirure, les rapports les plus humains qui puissent exister.
Comment
comprendre Israël en 60 jours (ou moins) de Sarah Glidden
Le
titre se veut doucement ironique. Non, Comment comprendre Israël en 60 jours (ou
moins) n’est pas le nouveau « Israël pour les nuls » mais le
récit imagé d’une jeune fille un peu rebelle pleine de certitudes très vite
ébranlées par la réalité d’une situation qu’elle découvre et donne à voir à son
lecteur.
Sarah,
une jeune américaine d’origine juive, entreprend un voyage organisé dans le
cadre du « Taglit », programme permettant aux jeunes juifs du monde
entier de se rendre en Israël. Pour elle, en conflit avec sa judéité, c’est
avant tout l’occasion de mettre en lumière les véritables motivations des
organisateurs. Elle cherche les détails qui trahiraient la propagande déguisée
de ce programme et de ses acteurs.
Cependant
le voyage prend peu à peu l’allure d’une remise en question fondamentale,
personnelle et universelle ; un voyage initiatique en somme ponctué de
rencontres qui une à une détruisent ses certitudes sur sa religion, sa citoyenneté et sur la réalité du conflit israelo-palestinien mais aussi sur son
couple et son implication dans le monde dans lequel elle vit.
Que
faire des discours diffusés dans les
médias occidentaux quand le contact devient humain ? Sarah traverse le pays de la mer morte, aux
kibboutz, en passant par les hauts lieux touristiques en posant un constant
regard sceptique. C’est encore une fois un ouvrage qui contourne la vision
manichéenne d’un conflit ultra-médiatisé et qui plus que des réponses ouvre le
champ des interrogations, des bonnes interrogations.
Chroniques de Jérusalem de Guy Delisle.
Vous n'êtes certainement pas passé à côté de cette BD de Guy Delisle récompensée d'un Fauve d'Or à Angoulême en 2012. Il s'agit certainement de l'ouvrage le plus complet et le plus "historique" des trois. Si l'auteur n'a pas pour but de jouer les professeurs de géopolitique il n'en est pas moins très précis dans ses descriptions puisque le protagoniste est lui même auteur. Il note, dessine et commente ce qu'il voit tout au long de son année passée en Israël.
Cartes, rappels historiques, explications bibliques... tout y est pour comprendre ce qui se joue dans le conflit israélo-palestinien.
Ce qui est remarquable d'autre part ( et surtout ) dans cet ouvrage c'est la candeur du personnage, parfois comique, parfois touchant, qui pose un regard étonné et interrogateur sur tout ce qu'il découvre.
Il rompt les clichés, dévoile l'absurdité de certains aspects du conflit mais dessine aussi les contours d'une société riche et diversifiée dont les membres apprennent à vivre ensemble.
Il rompt les clichés, dévoile l'absurdité de certains aspects du conflit mais dessine aussi les contours d'une société riche et diversifiée dont les membres apprennent à vivre ensemble.
Ces trois BD ont pour dénominateur commun la nuance. Il n'y a pas de parti pris radical mais une déconstruction progressive des clichés à travers le regard parfois candide parfois désabusé de personnages mis face à une réalité complexe. Les auteurs ont choisi d'interroger plutôt que d'apporter des réponses et c'est peut-être par là qu'il faut commencer pour comprendre ce qu'il se joue en Israël-Palestine.
Bonne lecture !
Pauline B.
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